Contexte : quand l’IA devient un jeu de Monopoly

Contexte : quand l’IA devient un jeu de Monopoly

Les annonces de cette semaine dessinent une carte claire des rapports de force :

  1. Meta recrutement offensif : L’arrivée d’Andrew Tulloch (ex-Thinking Machines Lab) chez Meta n’est pas un coup isolé. Après avoir raté le virage des réseaux sociaux mobiles (rachetant Instagram et WhatsApp pour combler son retard), Meta joue maintenant la carte de l’IA open-source (Llama) tout en verrouillant les talents. Stratégie : devenir le "Linux de l’IA" (une infrastructure gratuite mais contrôlée) pour mieux monopoliser les usages en aval.

  2. Les partenariats comme armes de verrouillage :

    • Anthropic + IBM + Deloitte : Une alliance qui ressemble à celle de Microsoft avec OpenAI, mais en version "entreprise". L’objectif ? Créer un écosystème où les grands comptes (banques, assurances) n’auront "plus le choix" que d’adopter Claude, car intégré à leurs outils existants (via IBM) et validé par leurs consultants (Deloitte).

    • Zendesk et ses "agents IA" : Un exemple parfait de platformisation : Zendesk ne vend plus un logiciel, mais une couche d’IA qui s’intercale entre l’entreprise et ses clients. Demain, qui contrôlera ces interactions ? Zendesk… ou le modèle d’IA sous-jacent (probablement un géant) ?

  3. Apple, le dormeur qui se réveille : L’article sur Apple est révélateur. La firme n’a pas besoin de "rattraper" OpenAI ou Google : elle a déjà 1,5 milliard d’utilisateurs captifs via l’iPhone. Son IA n’a pas besoin d’être la meilleure — juste assez bonne pour verrouiller l’écosystème. Imaginez Siri devenant le "hub" de toutes vos apps via l’IA : qui aura encore besoin de ChatGPT ?

Analyse : les trois couches du verrouillage

Ce capitalisme de plateforme de l’IA repose sur trois couches de contrôle, inspirées des stratégies des GAFAM :

1. La couche "talents" : la guerre des cerveaux

  • Exemple : Le départ de Tulloch pour Meta n’est pas un cas isolé. En 2025, les top researchers en IA sont devenus des assets aussi stratégiques que les brevets. Les labos indépendants (comme Thinking Machines) deviennent des viviers pour les géants — qui les rachètent ou les vident.

  • Mécanisme : Comme dans la Silicon Valley des années 2010, les salaires explosent (un ingénieur en IA chez Meta ou Google gagne désormais 1M$/an en package), et les startups ne peuvent plus rivaliser. Résultat : l’innovation se concentre chez ceux qui peuvent payer.

2. La couche "données" : l’or noir de l’IA

  • Exemple : Anthropic signe avec IBM, qui possède des montagnes de données d’entreprise. Meta a Facebook, Instagram et WhatsApp. Apple a vos habitudes via l’iPhone. Ces données ne servent pas seulement à entraîner les modèles — elles servent à créer des dépendances.

  • Mécanisme : Plus une IA est nourrie de données propriétaires (vos messages, vos achats, vos bugs logiciels), plus elle devient indispensable. C’est le principe du "data network effect" : plus un modèle est utilisé, plus il s’améliore… et plus il est difficile de quitter son écosystème.

3. La couche "intégration" : l’IA comme colle logicielle

  • Exemple : Zendesk intègre des agents IA dans son SaaS. Demain, ces agents ne seront plus des options, mais le cœur du produit. Même logique pour Apple : si Siri devient le médiateur entre vous et vos apps, les développeurs devront optimiser pour son IA, pas pour une autre.

  • Mécanisme : C’est la stratégie du "trojan horse" : une IA "gratuite" ou "open-source" (comme Llama) s’infiltre dans les outils existants, puis devient le standard de fait. Les concurrents doivent soit s’adapter, soit disparaître.

Contrepoints : et si ce modèle était fragile ?

Cette thèse pessimiste (ou réaliste ?) a ses limites. Voici trois arguments qui pourraient l’invalider :

1. L’IA open-source comme contre-pouvoir

  • Exemple : Mistral AI (France) ou Hugging Face montrent qu’une IA performante peut émerger hors des géants. Si les modèles open-source atteignent 90% des performances des modèles propriétaires, la différenciation par les données devient moins cruciale.

  • Problème : Même open-source, une IA a besoin d’une infrastructure coûteuse pour être déployée. Qui paiera les serveurs ? Les géants du cloud (AWS, Google Cloud…) — qui sont aussi ceux qui contrôlent les modèles propriétaires.

2. La régulation comme game-changer

  • Exemple : L’UE avec son AI Act pourrait forcer les géants à ouvrir leurs modèles ou à partager des données. Aux États-Unis, la FTC commence à s’intéresser aux pratiques anticoncurrentielles dans l’IA.

  • Problème : Les régulateurs sont lents, et les géants ont des armées de lobbyistes. Sans compter que certaines règles (comme l’obligation de transparence) pourraient… avantager les plus gros, capables de se conformer.

3. L’innovation par les niches

  • Exemple : Des startups comme Perplexity (moteur de recherche IA) ou Character.AI (chatbots spécialisés) prouvent qu’il reste de la place pour des acteurs focalisés sur des usages précis.

  • Problème : Ces niches sont souvent complémentaires aux géants. Perplexity utilise des modèles de Meta ou Mistral. Character.AI pourrait être racheté par un GAFAM. La différenciation est temporaire.

Implications concrètes : ce qui nous attend d’ici 2030

Si ce scénario se confirme, voici ce que cela signifie pour les entreprises, les développeurs et les utilisateurs :

Pour les entreprises :

  • Les coûts d’entrée explosent : Lancer une startup en IA deviendra aussi cher que lancer un réseau social en 2020 — sauf si vous vous greffez à un écosystème existant (ex : construire sur Llama ou Claude).

  • La dépendance aux géants s’accélère : Comme avec AWS aujourd’hui, les entreprises devront choisir entre :

    • Option 1 : Utiliser l’IA d’un géant (et lui donner vos données).

    • Option 2 : Payer cher pour une solution "souveraine" (moins performante).

  • Les métiers changent : Les "prompt engineers" seront remplacés par des "écosystème managers" — des gens qui savent naviguer entre les APIs de Meta, Google et Apple.

Pour les développeurs :

  • Fin de l’ère du "build from scratch" : Pourquoi entraîner son propre modèle quand on peut fine-tuner Llama ou utiliser l’API d’Anthropic ? Les devs deviendront des intégrateurs, pas des inventeurs.

  • La guerre des SDK : Comme avec iOS vs Android, les développeurs devront choisir entre optimiser pour Siri (Apple), Bard (Google) ou une autre IA — avec le risque de se retrouver bloqués si le géant change ses règles.

Pour les utilisateurs :

  • Moins de choix, plus de verrouillage :

    • Votre assistant vocal (Siri/Alexa/Google) deviendra

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