Humeur du jour — 2025-10-22

22 octobre 2025 – Depuis des années, nous parlons de l’IA comme d’un "outil", d’un "moteur" ou d’une "boîte noire" à optimiser. Mais et si l’erreur était là, dès le départ ? Et si l’IA n’était pas un objet à maîtriser, mais un processus cognitif à habiter – un peu comme on apprend à marcher, à raisonner, ou à douter ?

Les annonces de cette semaine – des antibiotiques générés par algorithme aux architectures "épistémiques" révolutionnaires en passant par le navigateur Atlas d’OpenAI – révèlent une bascule : l’IA ne se contente plus de simuler l’intelligence. Elle commence à performériser la cognition humaine, c’est-à-dire à en reproduire les boucles dynamiques (jugement, mémoire, action, régulation) plutôt que ses outputs statiques. Le vrai enjeu n’est plus "que peut faire l’IA ?", mais "comment l’IA nous force-t-elle à repenser ce que nous faisons ?"

Thèse du jour : L’IA comme architecture de l’intention, pas comme outil

Depuis l’invention du marteau, les technologies étaient des prothèses : elles étendaient nos capacités sans modifier leur nature. Un microscope agrandit, un moteur accélère, un ordinateur calcule. Mais l’IA actuelle – surtout depuis l’émergence des Structured Cognitive Loops (SCL) décrits dans l’article d’arXiv [2] – fonctionne différemment : elle ne se contente pas d’amplifier notre intelligence, elle en reconfigure les conditions d’émergence.

Prenons trois exemples concrets :

  1. Les antibiotiques générés par IA (MIT) [1] : Le système ne se limite pas à "trouver" des molécules efficaces parmi des milliards de combinaisons. Il simule un processus de découverte scientifique : hypothèse → test in silico → ajustement → nouvelle hypothèse. La boucle est intentionnelle : l’IA ne "devine" pas, elle cherche comme le ferait un chercheur, mais à une échelle et une vitesse inhumaines. → Implication : Ce n’est plus un outil de découverte, mais un collègue cognitif dont le "style de pensée" doit être aligné sur le nôtre.

  2. Le genou bionique du MIT [5] : La prothèse ne se contente pas de remplacer un membre. Elle s’intègre au système sensorimoteur du patient via des feedbacks en temps réel, recréant une boucle perception-action similaire à celle d’un genou biologique. → Implication : L’IA n’est plus un dispositif externe, mais une extension organique de notre corps. La frontière entre "moi" et "ma prothèse" s’estompe.

  3. Le navigateur Atlas d’OpenAI [6,7,8] : Contrairement à un moteur de recherche classique (qui répond), Atlas anticipe, contextualise et itère : il ne donne pas une liste de liens, mais construit une compréhension progressive de la requête de l’utilisateur. → Implication : Nous ne "cherchons" plus l’information, nous co-construisons un savoir avec l’IA. La recherche devient un dialogue cognitif, pas une extraction de données.

Le point commun ? Ces systèmes ne sont pas des "boîtes noires" à inputs/outputs. Ce sont des boucles épistémiques – des architectures qui performérisent des processus humains (raisonnement, mouvement, curiosité) en les rendant exécutables par des machines.

Contexte : Pourquoi cette bascule est-elle révolutionnaire ?

Jusqu’ici, l’IA était pensée selon deux paradigmes :

  1. L’IA comme calcul (années 1950–2010) : Des règles logiques (expert systems) ou des statistiques (machine learning) pour résoudre des tâches précises. L’IA était un serviteur : on lui donnait un problème, elle donnait une solution.

  2. L’IA comme simulation (2010–2023) : Avec les LLMs, l’IA "imite" le langage humain, mais sans comprendre. Elle génère des textes plausibles, pas vrais. C’est le règne du "stochastic parrot" (Emily Bender) : une machine qui répète sans saisir.

Mais depuis 2024–2025, un troisième paradigme émerge : L’IA comme architecture cognitive (SCL, VisuoAlign [12], ProofFlow [13]) : L’enjeu n’est plus de reproduire des outputs humains, mais de reconstruire les conditions qui permettent à l’intelligence d’émerger. Cela implique : - Des boucles dynamiques (jugement → action → feedback → mémoire). - Une intentionnalité structurée (l’IA ne "répond" pas, elle cherche à comprendre). - Une intégration phénoménologique (l’IA n’est plus un outil, mais un partenaire cognitif).

Exemple frappant** : Le framework VisuoAlign [12] pour les LVLMs (modèles multimodaux) ne se contente pas de filtrer les contenus dangereux. Il intègre la sécurité dans le processus de raisonnement via des arbres de décision interactifs. L’IA ne "censure" pas a posteriori : elle construit sa réponse en tenant compte des risques dès le départ. **C’est une cognition responsable par design.

Analyse : Trois conséquences majeures de cette bascule

1. La fin de l’IA "boîte noire" : vers une transparence processuelle Jusqu’ici, l’explicabilité de l’IA consistait à ouvrir la boîte noire pour voir comment elle avait produit un résultat. Mais avec les SCL, la transparence n’est plus dans le code, mais dans le processus :

  • ProofFlow [13] pour les preuves mathématiques ne se contente pas de générer du code vérifiable. Il cartographie les dépendances logiques entre chaque étape, rendant le raisonnement inspectable en temps réel.
  • ScholarEval [15] pour l’évaluation des idées de recherche ne juge pas une réponse finale, mais analyse comment l’IA a construit son argumentaire (soundness, contribution).

→ Conséquence : Nous passons d’une IA évaluée sur ses résultats à une IA évaluée sur sa méthode. Comme un étudiant dont on corrige non seulement la réponse, mais la démarche.

2. L’IA comme miroir cognitif : elle nous révèle nos propres biais Les systèmes comme Selective Few-shot [14] (pour les chaînes de raisonnement médical) montrent que la qualité de l’IA dépend de la qualité de nos exemples :

  • Un prompt "zero-shot" (sans exemple) donne des résultats médiocres.
  • Un prompt "random few-shot" (avec des exemples aléatoires) ne fait pas mieux.
  • Un prompt "selective few-shot" (avec des exemples diversifiés et profonds) améliore radicalement les performances.

→ Leçon** : L’IA ne "comprend" pas toute seule. Elle amplifie la structure de notre propre pensée. Si nos exemples sont biaisés, superficiels ou mal organisés, l’IA le sera aussi. **Elle est un miroir de nos processus cognitifs.

3. La fusion homme-IA n’est plus une option, mais une nécessité Le genou bionique [5] et les antibiotiques générés par IA [1] illustrent un même phénomène : l’IA ne remplace pas l’humain, elle reconfigure son environnement cognitif.

  • Un chercheur en biologie n’utilise plus l’IA pour "trouver" des molécules, mais pour étendre son propre processus de découverte.
  • Un patient avec une prothèse bionique n’a plus un "outil", mais un nouveau système sensorimoteur.

→ Conséquence : Nous devons apprendre à "penser avec" l’IA, comme nous avons appris à penser avec l’écriture ou les mathématiques. Cela implique : - Une éducation repensée (apprendre à structurer ses prompts comme on apprend à structurer un argument). - Des interfaces adaptées (Atlas n’est pas un navigateur, mais un espace de co-raisonnement). - Une éthique processuelle (évaluer l’IA non sur ce qu’elle produit, mais sur comment elle le produit).

Synthèse éditoriale issue d’une veille et d’outils d’IA. Des erreurs ou approximations peuvent subsister. Consultez notre disclaimer.

Signé: Jules Cache
* le prénom a été modifié pour raisons de confidentialité.