Amazon accélère sa transition vers l’énergie nucléaire pour alimenter ses data centers dédiés à l’intelligence artificielle, confrontés à une demande énergétique croissante que les réseaux traditionnels et les énergies renouvelables peinent à satisfaire. La solution retenue repose sur des réacteurs modulaires compacts (SMR), produits en usine par modules puis assemblés sur site en quelques mois, contre des années pour les centrales classiques. Le premier projet, Cascade Advanced Energy Facility dans l’État de Washington, illustrera cette approche avec des réacteurs Xe-100 à haute température, refroidis à l’hélium et utilisant un combustible encapsulé dans des billes céramiques. Cette technologie, dite «pebble-bed», offre une sécurité passive (arrêt automatique en cas de panne) et une efficacité de 45 %, supérieure aux réacteurs traditionnels, tout en réduisant les déchets et en garantissant une production stable, indépendante des conditions météo.
L’avantage majeur de ces réacteurs réside dans leur modularité et leur scalabilité : Amazon prévoit d’abord quatre unités (320 MW), puis jusqu’à douze (960 MW), pour couvrir les besoins de ses infrastructures cloud d’ici 2030, alors que la consommation des data centers pourrait doubler. Leur intégration directe auprès des centres de données élimine les pertes liées au transport d’électricité et supprime la dépendance aux réseaux locaux, souvent saturés. De plus, ces réacteurs peuvent être couplés à des énergies renouvelables (solaire, éolien) pour optimiser la gestion des pics de demande, tout en assurant une alimentation continue, cruciale pour l’IA, où les interruptions coûtent des millions. À terme, Amazon envisage des data centers autonomes, auto-alimentés et à bilan carbone neutre, utilisant même la chaleur résiduelle pour leurs besoins internes.
Cependant, le projet se heurte à des obstacles réglementaires et sociaux. Aux États-Unis, la Nuclear Regulatory Commission impose des vérifications strictes (sécurité, impact environnemental), avec des délais imprévisibles : la certification du Xe-100 en Texas est prévue pour 2027, tandis que le site de Cascade doit encore convaincre les communautés locales et les tribus amérindiennes, inquiètes des risques écologiques. Les coûts, estimés en milliards de dollars, pourraient exploser en cas de retards ou de modifications, comme l’a montré un précédent en Pennsylvanie où un data center s’est vu refuser un raccordement direct à une centrale nucléaire. Pour contourner ces écueils, Amazon soutient le projet de loi ADVANCE Act, visant à accélérer les certifications, et mène une campagne de transparence sur les bénéfices écologiques des SMR, moins polluants que le gaz et plus fiables que les renouvelables.
Au-delà des défis, cette initiative marque un tournant vers une infrastructure énergétique décentralisée, où data centers et production d’électricité deviennent indissociables. En éliminant les goulots d’étranglement liés aux réseaux traditionnels, Amazon pourrait inspirer l’industrie, prouvant que les réacteurs modulaires allient rapidité de déploiement, durabilité et adaptabilité aux besoins exponentiels de l’IA. Si Cascade aboutit, il ouvrira la voie à une nouvelle génération de centres de données autosuffisants, capables de croître en synchronisation avec les demandes computationnelles, du rendu vidéo à l’entraînement de modèles linguistiques géants. Une révolution qui redéfinit l’équation énergétique de l’économie numérique.