Le géant chinois du commerce électronique JD a annoncé jeudi 18 janvier 2024 qu’environ cent de ses livreurs avaient perçu plus d’un million de yuans (environ 135 000 euros) sur les trois dernières années, un chiffre qui atteint même deux millions pour certains dans la région de Chaoshan, en Guangdong. Cette révélation s’inscrit dans un contexte médiatique marqué par une série de reportages viraux sur les réseaux sociaux chinois, notamment sur Weibo, mettant en lumière les revenus exceptionnels de livreurs, coursiers et ouvriers du bâtiment, dont les salaires mensuels pourraient dépasser 30 000 à 40 000 yuans (4 000 à 5 400 euros). Des montants qui contrastent fortement avec les représentations traditionnelles de ces métiers, souvent perçus comme précaires, et qui ont suscité à la fois fascination et scepticisme parmi les internautes.

L’annonce de JD intervient alors que la Chine traverse une période de ralentissement économique, notamment dans le secteur des biens de consommation, comme en témoigne le dernier Singles Day, marqué par une baisse des ventes d’électronique. Pour appuyer sa communication, l’entreprise a détaillé sur son compte WeChat officiel plusieurs mesures sociales destinées à améliorer les conditions de ses employés, parmi lesquelles un fonds de garantie pour le logement visant à réduire la pression des crédits immobiliers, ainsi qu’un fonds d’entraide interne. Ces initiatives s’inscrivent dans une stratégie plus large visant à rendre le quotidien des travailleurs « plus optimiste et radieux », selon les termes de JD, tout en répondant aux critiques récurrentes sur les conditions de travail dans le secteur logistique, souvent pointées pour leur intensité et leur manque de stabilité.

Le débat autour de ces revenus exceptionnels reflète des dynamiques économiques plus larges en Chine, où certains métiers manuels, en tension sur le marché du travail, voient leurs rémunérations s’envoler en raison d’une pénurie de main-d’œuvre qualifiée et d’une demande soutenue, notamment dans les zones urbaines en pleine expansion. Les discussions sur Weibo ont cependant aussi souligné les disparités régionales et les conditions extrêmes souvent nécessaires pour atteindre de tels niveaux de revenus, comme des horaires prolongés ou une productivité exceptionnelle. Certains observateurs y voient un signe des transformations du marché du travail chinois, où les compétences logistiques et la flexibilité deviennent des atouts majeurs, tandis que d’autres mettent en garde contre une possible exagération médiatique, certains revenus étant calculés sur des périodes de pointe comme les fêtes commerciales.

Parallèlement, cette actualité s’insère dans un paysage médiatique chinois où les récits de réussite individuelle, surtout dans des secteurs traditionnellement sous-valorisés, sont fréquemment mis en avant par les médias d’État et les influenceurs pour promouvoir une image de mobilité sociale et de mérites personnels. JD, en communiquant sur ces succès, renforce ainsi son positionnement comme employeur attractif, tout en alimentant une narration plus large sur les opportunités offertes par l’économie numérique et la logistique, des secteurs en pleine croissance malgré le ralentissement global. Reste que ces exemples, bien que spectaculaires, masquent souvent les réalités plus difficiles de la majorité des travailleurs du secteur, pour qui les revenus restent bien en deçà de ces sommets.