Paskal Enotov, propriétaire de l’entreprise Maxon spécialisée dans les aires de jeux pour enfants, raconte son parcours entrepreneurial marqué par une croissance fulgurante suivie d’un déclin brutal des ventes. Tout a commencé il y a douze ans, presque par accident : après avoir loué une partie de son atelier à des fabricants d’aires de jeux qui ont abandonné leur projet en laissant des pièces finies, il a contacté leur client pour lui proposer de reprendre la production. Sans expérience préalable, mais après avoir observé le processus pendant quatre mois, il s’est lancé. Les débuts furent modestes – deux meuleuses héritées de son activité précédente de tables de soudage – mais l’entreprise a rapidement pris son essor, atteignant un chiffre d’affaires de 90 millions de roubles en pleine pandémie. Aujourd’hui, ce chiffre a chuté à 38 millions, avec une prévision pessimiste de 40 millions pour l’année en cours.
La production, installée dans un atelier de 700 m² près de Zvenigorod, repose sur un processus artisanal et optimisé. Chaque aire de jeu, modulaire et personnalisable, est fabriquée en un temps record – une moyenne de 1,5 jour pour un modèle standard coûtant entre 200 000 et 250 000 roubles. Le bois est découpé, percé, poncé méticuleusement à la main (surtout les parties accessibles aux enfants pour éviter les échardes), puis peint par immersion dans des bains de peinture pour économiser les coûts. Les pièces sont soit préassemblées pour le montage sur place, soit expédiées en kits. L’organisation repose sur un effectif saisonnier de vingt personnes en pic d’activité, avec un noyau dur de spécialistes polyvalents capables de se remplacer en cas d’absence. Cependant, les aléas humains – absences, erreurs, casse d’outils – pèsent sur la rentabilité, déjà fragilisée par l’augmentation des réclamations clients, souvent liées à des oublis de pièces ou des défauts de montage. Ces incidents, autrefois rares, grèvent désormais les marges : une simple livraison de pièces manquantes peut coûter 1 500 roubles, tandis qu’un déplacement pour correction sur site (jusqu’à 175 km de distance) réduit une marge de 26 000 roubles à 9 000.
Sur le plan économique, l’entreprise affiche une rentabilité théorique de 20 à 27 %, mais cette performance est menacée par la hausse des coûts des matières premières (métal, bois) et les dysfonctionnements logistiques. L’adoption d’un logiciel de gestion (MoySklad) a permis de mieux contrôler les stocks et les coûts, évitant les ruptures de production grâce à des alertes automatiques. Pourtant, le vrai défi reste commercial. Enotov, lui-même peu à l’aise avec les ventes, a échoué à structurer un service dédié et dépend désormais d’un réseau de revendeurs (dileurs) qui écoulent 60 à 70 % de sa production, principalement auprès de familles aisées possédant des résidences secondaires. Ces clients, prêts à investir entre 180 000 et 600 000 roubles pour une aire de jeu sur mesure, se concentrent dans des lotissements où la demande est motivée par la praticité (surveillance facile des enfants). La saisonnalité est forte : 80 % du chiffre d’affaires se réalise entre mi-avril et mi-juillet, période où les Russes se rendent à leur datcha. Pour compenser le creux hivernal, l’entreprise propose des toboggans pour la neige ou des lits pour enfants, mais ces produits peinent à décoller.
Le modèle actuel montre ses limites. Les revendeurs, moins actifs qu’avant, ne stockent pas les produits en région, obligeant Enotov à expédier chaque commande depuis son entrepôt, ce qui alourdit les coûts logistiques. Il rêve de trouver des partenaires capables d’acheter en gros avant la saison, comme le font ses concurrents, mais sans succès. Faute de mieux, il mise sur le bouche-à-oreille et son carnet d’adresses, accumulé sur douze ans. Pourtant, la question de la survie se pose avec acuité : avec un investissement initial estimé à 12-13 millions de roubles pour démarrer correctement (hors localisation et loyer), et une concurrence accrue, l’avenir de Maxon dépendra de sa capacité à diversifier ses canaux de vente, fidéliser ses revendeurs et réduire les erreurs de production – autant de défis qui exigent une refonte stratégique urgente.