Cette étude explore comment les médias influencent les émotions du public à travers le choix des titres, en se concentrant sur le biais affectif dans les médias multilingues, notamment en bengali. Les chercheurs soulignent que la manière dont une information est présentée – par son ton, son vocabulaire ou sa structure – peut susciter des réactions très différentes chez les lecteurs, allant de la sérénité à l’alarme, même pour un même événement. Les titres négatifs ou émotionnellement chargés, comme ceux exprimant la colère, la peur ou la déception, attirent davantage l’attention et se diffusent plus rapidement, ce qui incite les rédactions à privilégier des cadrages provocateurs pour capter l’audience.
L’analyse repose sur un corpus de 300 000 titres et articles de presse en bengali, évalués à l’aide d’un modèle d’inférence zero-shot (Gemma-3 4B) pour identifier les émotions dominantes et le ton général de chaque contenu. Les résultats révèlent une prédominance marquée des émotions négatives, avec une forte présence de colère, de peur et de déception, ainsi que des variations significatives dans le traitement émotionnel d’un même sujet selon les médias. Par exemple, un événement politique ou social peut être présenté comme une crise par un titre, tandis qu’un autre le décrira de manière neutre ou optimiste, reflétant des biais éditoriaux ou des stratégies de captation de l’attention.
Fort de ces constats, l’étude propose des pistes pour concevoir des outils médiatiques plus transparents et centrés sur l’humain. Les auteurs suggèrent notamment le développement d’un agrégateur de nouvelles capable de visualiser les biais émotionnels des titres, en mettant en évidence les mots ou expressions chargés affectivement. Ce système permettrait aux lecteurs de mieux percevoir les manipulations subtiles du langage et de prendre du recul face aux informations consommées. L’objectif est d’encourager une lecture plus critique et informée, en réduisant l’impact des stratégies éditoriales axées sur l’émotion plutôt que sur l’objectivité.
L’étude s’inscrit dans un contexte plus large de réflexion sur l’éthique des médias et l’impact des algorithmes dans la diffusion de l’information. En combinant l’analyse linguistique automatisée et une approche centrée sur l’utilisateur, elle ouvre des perspectives pour repenser la consommation des actualités, notamment dans des espaces multilingues où les biais culturels et émotionnels peuvent être amplifiés. Les conclusions pourraient inspirer des applications concrètes, comme des extensions de navigateur ou des plateformes collaboratives, visant à démocratiser l’accès à une information plus équilibrée et moins manipulatrice.
Le travail, présenté à la conférence International Conference on Data and Applied Analytics (IDAA 2025), s’appuie sur des méthodes d’intelligence artificielle pour analyser des données massives, tout en soulignant les limites des modèles actuels dans la détection des nuances émotionnelles, particulièrement dans les langues moins représentées comme le bengali. Les auteurs appellent à des recherches complémentaires pour affiner ces outils et les adapter à d’autres contextes linguistiques, afin de lutter contre la polarisation et la désinformation à l’ère du numérique.