L’intelligence artificielle (IA) transforme en profondeur les métiers du droit sans pour autant menacer leur existence, comme en témoignent les évolutions récentes des formations juridiques. L’exemple marquant de 2023, où une IA a réussi l’examen d’entrée au barreau américain, illustre le potentiel de ces technologies, poussant les écoles et universités à repenser leurs programmes. Les étudiants, comme Ayline Bekar, 22 ans, en master 2 à l’université Grenoble-Alpes, constatent déjà cette mutation : là où les cabinets d’avocats étaient autrefois encombrés de dossiers papier et d’ouvrages juridiques, la dématérialisation et l’automatisation ont désormais pris le pas. En quelques années, des tâches répétitives – recherche documentaire, analyse de jurisprudence ou rédaction d’actes standardisés – sont optimisées par des outils numériques, libérant les juristes pour des missions à plus forte valeur ajoutée.
Cette transformation s’accélère avec l’émergence des « IA juridiques », un phénomène qui bouscule un secteur traditionnellement perçu comme conservateur. Les établissements de formation multiplient les initiatives pour préparer les futurs professionnels à ces nouveaux enjeux, comme en attestent les tables rondes et rapports qui se sont multipliés depuis 2025. L’IA Week organisée par la faculté de droit de Grenoble, à laquelle Ayline Bekar a participé, en est un exemple concret : l’événement a réuni avocats, éditeurs juridiques, start-up spécialisées dans les « legaltech » et enseignants pour discuter de l’intégration de l’IA dans les cursus et les pratiques professionnelles. L’objectif n’est pas de former des experts en informatique, mais d’outiller les juristes pour qu’ils maîtrisent ces technologies, les utilisent à bon escient et en comprennent les limites, notamment éthiques et déontologiques.
Les retours d’expérience des étudiants soulignent un changement radical dans leur approche du métier. Lors de ses premiers stages, Ayline Bekar observait des avocats perdant un temps précieux à trier des montagnes de documents ; aujourd’hui, des logiciels performants effectuent ces tâches en quelques secondes, permettant aux juristes de se concentrer sur l’analyse stratégique, la plaidoirie ou le conseil. Cette évolution exige cependant une adaptation des compétences : les formations intègrent désormais des modules sur l’utilisation des outils d’IA, la gestion des données ou encore la cybersécurité, sans négliger les fondamentaux du droit. Les écoles misent sur un équilibre entre technique et réflexion critique, afin que les futurs juristes ne deviennent pas dépendants des machines, mais sachent en tirer parti pour renforcer leur expertise.
Le défi pour les institutions est double : moderniser les enseignements tout en préservant l’essence des métiers juridiques, fondés sur l’interprétation, l’argumentation et l’éthique. Les « legaltech » proposent déjà des solutions pour automatiser la rédaction de contrats, prédire des issues judiciaires ou analyser des masses de données, mais leur usage soulève des questions sur la responsabilité, la transparence des algorithmes ou la protection des données clients. Les formations doivent donc aborder ces dimensions, comme le souligne Ayline Bekar, pour qui l’IA ne remplacera jamais le jugement humain, mais en deviendra un auxiliaire indispensable. Cette complémentarité entre technologie et expertise juridique redéfinit les contours de la profession, faisant des juristes de demain des acteurs hybrides, à la fois technophiles et gardiens des principes fondamentaux du droit.